Sur la campagne médiatique de Philippe Lebreton et Alain Michel

Le 15 octobre 2009

Cher camarade,


Je te remercie d'avoir convoqué le Bureau Fédéral pour examiner la situation créée par le refus public de Philippe Lebreton et Alain Michel de voter le budget de la nouvelle majorité de gauche du PS. Situation rendue intolérable par la conférence de presse et les interventions télévisées intempestives et tonitruantes du premier en particulier.


Malheureusement, je ne puis assister à cette réunion pour les raisons professionnelles que tu sais. Je tiens néanmoins à te faire part de mon avis.


Au dernier Conseil Fédéral, nous avions déjà entendu une intervention de P. Lebreton, qui marquait un désaccord dans des formes tout à fait acceptables. Un socialiste, même élu, est fondamentalement un homme (ou une femme) libre. Son point de vue avait cependant soulevé une intervention très ferme d'une de nos camarades, elle aussi vice-présidente du Conseil général.


Tu avais très justement appelé à la poursuite du débat interne au groupe socialiste. Ce qui, selon les informations données par la presse, s'est achevé sur la validation d'un projet de budget par 20 voix contre 2. Lorsqu'un tel résultat est enregistré, un élu socialiste ne peut que s'incliner, ce qui ne signifie point renoncer à son point de vue. Pour le moins, il n'a pas été capable de convaincre ses pairs.

 


Ce qui est nouveau - et insupportable - c'est la campagne médiatique engagée par Philippe Lebreton, et dans une moindre mesure par Alain Michel, contre la majorité de gauche du Conseil général et sa Présidente. Les termes employés sont inadmissibles de la part d'un élu qui affirme être resté de gauche. Ils ont surpris jusqu'aux journalistes qui l'ont interviewé. Jamais P. Lebreton n'a recouru à une telle rhétorique contre Hervé Novelli, par exemple. Comment s'étonner que la droite départementale s'en réjouisse ?


P. Lebreton, qui avait gagné une aura personnelle en tant que président du groupe socialiste dans le précédent Conseil général, l'a perdue d'un seul coup. Dans le PS - et dans la presse - on ne voit plus en lui, à tort ou à raison - qu'un élu vexé de n'avoir pas été choisi lui-même comme Président du Conseil général !


Quant aux électeurs de la gauche, ils restent perplexes, par exemple quand ils apprennent que leur premier vice-président socialiste, dont on rappelle le statut de cadre bancaire, a considéré comme une vexation insupportable de n'avoir pu profiter d'une voiture de fonction avec chauffeur pour se rendre à Chinon. Quand on pense que certaines collectivités territoriales ont décidé de s'en passer !


Ils sont surtout perplexes sur le fonds du problème.


Car ils se rendent compte très vite qu'il ne s'agit pas d'une querelle de personnalités. Claude Roiron ne se cache pas d'avoir un caractère bien trempé. Une femme ou un homme politique se doivent de l'avoir tel. P. Lebreton lui reproche de ne pas avoir le contact avec les élus. Je laisse aux vingt qui soutiennent le projet de budget le soin de se prononcer. Je poserai simplement une question : P. Lebreton est-il celui qui peut faire ce type de reproche ? Combien de conflits se sont-ils produits entre ses adjoints et lui, et surtout les responsables de ses services dans la ville qu'il dirige ?


Le maire de Joué a dit clairement les raisons politiques qui le séparent, Alain Michel et lui, non seulement de sa Présidente mais de l'ensemble des autres élus socialistes et de gauche. Le taux de l'augmentation des impôts départementaux, d'abord. Non pas le principe de l'augmentation, ce qui aurait pu se comprendre, compte tenu du programme présenté aux électeurs. C'est d'autant plus surprenant que c'est à sa demande que la non-augmentation des impôts avait figuré dans le programme. Il avait attesté que c'était possible, fort de son expérience de président du groupe socialiste sortant. Or même la droite ne s'était pas engagée sur ce terrain. Elle savait mieux que personne la situation financière qu'elle laissait. La majorité de gauche a vite compris.


P. Lebreton, devant les réalités, a dû adapter sa position : une augmentation à moins de 10%. « C'est psychologique », dit-il. Parlons clair. L'augmentation des impôts départementaux ne se fait jamais de gaieté de cœur. Bien des foyers en souffrent. Il faut en rappeler les causes : le bouclier fiscal de Sarkozy en faveur des plus riches, son refus de compenser pleinement les transferts de charge, en particulier. De cela, il n'a jamais été question dans les propos de Lebreton et Michel. Je ne suis pas pour le socialisme de l'impôt, mais je suis en faveur d'une politique par laquelle la gauche montre sa différence : à la fois dans sa volonté de bien utiliser les deniers publics, par exemple de redimensionner certaines réalisations pour en favoriser d'autres, négligées par la majorité précédente - et aussi dans la mise en oeuvre d'une politique sociale qui n'existait guère jusqu'ici.


Quand on voit que la différence d'appréciation porte sur 2% d'augmentation, on reste rêveur sur la polémique publique de ces jours. J'ai cru comprendre que l'augmentation prévue serait, en moyenne, de 20 € sur l'année. La proposition faite par nos deux camarades représenterait, toujours en moyenne, 2 € en moins !!

 


Je passe sur les déclarations, dignes de la droite, concernant le recrutement pléthorique de personnels nouveaux, tout en oubliant un certain nombre de charges nouvelles dues à la décentralisation à la sauce UMP. Quand Philippe Lebreton vante, au nom d'un socialisme moderne, l'externalisation, je ne suis pas sûr du tout qu'il recueille le soutien des salariés qui nous ont fait confiance.


Je demande que la Présidente du Conseil général, une fois le budget adopté, soit invitée à présenter et expliquer son budget devant le Conseil fédéral. Je suis persuadé que chacun des responsables départementaux de notre parti comprendra que la majorité départementale mène bien une politique de gauche.


Je m'aperçois, mon cher Jean-Patrick, que les efforts que tu avais annoncés à notre CF pour prévenir les actions intempestives que nous voyons ces jours-ci, n'ont pas été couronnés de succès. Il n'est pas trop tard pour faire retrouver le chemin de la raison à nos deux camarades, même si c'est plus difficile. P. Lebreton et A. Michel s'honoreraient en exprimant devant le parti leurs regrets et en s'engageant à donner leur pouvoir à un autre élu. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.


Je me permets de rappeler au Premier fédéral que les membres du BF ont été élus à partir de motions qui, toutes, ont exprimé la volonté de rompre définitivement avec les libertés prises à l'égard de nos règles communes. C'est apparu comme l'une des conditions de la rénovation du parti. Nos deux camarades, en faisant une campagne publique contre un budget élaboré au cours d'une discussion longue et démocratique, alors qu'ils n'ont pas été en mesure de convaincre 90% de leur groupe, en refusant de le voter ne serait-ce qu'au titre de la solidarité de travail (on ne leur demande pas plus), ne respectent pas les statuts de notre parti. Compte tenu de leurs désaccords profonds et reconnus comme tels par eux-mêmes, il est logique qu'ils quittent leurs responsabilités actuelles à l'exécutif du Conseil général.


S'affranchir de la règle, ce n'est pas être libre, c'est ne plus avoir le sens de la mesure. Les propos excessifs, outranciers, tenus en particulier par P. Lebreton, montrent jusqu'où peut aller cette démesure : à la remise en cause d'une politique de gauche dont l'ensemble des élus, et non pas seulement deux, doivent être les garants. Personne, à soi seul, ne peut prétendre détenir la vérité : il est déjà si difficile de trouver de bonnes positions collectivement !


Nos deux camarades se sont mis, en outre, en position d'être traduits devant la commission des conflits s'ils persévèrent dans leur comportement politique. Venant d'une fédération où une dissidence au moment de la préparation des législatives a été traitée avec trop de complaisance, et en a entraîné d'autres dans les municipales et cantonales suivantes, avec des dégâts considérables, je mets le BF en garde contre tout attentisme. Je suis pour la diplomatie jusqu'au dernier moment. La loi commune du parti devra s'appliquer ensuite.


Un Premier fédéral, député de surcroît, en aura conscience, j'en suis sûr, plus que tout autre.


François Marotin

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